"Georges Eekhoud est né à Anvers le 27 mai 1854. Il est orphelin très jeune et un oncle fortuné se charge de son éducation. Il est envoyé dans un pensionnat suisse où il découvre les littératures anglaise, allemande et italienne. De retour en Belgique il participe dans les années 1880 à l'aventure de La Jeune Belgique, une prestigieuse revue belge à laquelle collaborent les principaux écrivains du pays, mais aussi un grand nombre de Français découragés par les revues françaises très conservatrices.
Il fonde la revue Le Coq rouge avec notamment Emile Verhaeren et Maurice Maeterlinck. Dans les années 1890, quand le mouvement s'inverse, Eelkhoud devient le correspondant belge du Mercure de France. Il y publie en outre des nouvelles et y fait paraître en feuilleton, le plus connu de ses romans, Escal-Vigor.
Pendant ces années-là, le mouvement anarchiste, bien implanté en Belgique, recueille toute sa sympathie. Ses nouvelles comme ses romans sont marqués par ses prises de position politico-sociales, mais aussi par ce que Jean Lorrain appellera son "anarchisme érotique".
Georges Eekhoud est homosexuel, les rudes Campinois, aux culottes de velours qui animent les rues de Bruxelles en chantier, suscitent chez lui des désirs que la société réprouve. Mais que lui importe : sa fin de siècle est éclairée par un amour violent et tendre pour un jeune ouvrier typographe. "Nous sommes des dieux", lui écrit-il, et les dieux se croient invulnérables !
Escal-Vigor [raconte les amours d'un aristocrate esthète et d'un jeune pâtre sur une île du nord, en but à la haine des villageois qui assassinent les deux hommes, scellant ainsi leur destin et leur union dans la mort]. A cause de ce roman, Eekhoud comparaît en 1900 devant la Cour d'Assise de Bruges pour atteinte aux bonnes moeurs. Il échappe de justesse à la condamnation. Le procès accroît la notoriété de l'auteur en France, où un assez grand nombre d'écrivains le soutiennent au nom de la liberté de l'art, mais surtout en Allemagne, où viennent de naître les premiers mouvements homosexuels de l'histoire.
A partir de ce moment-là, Eekhoud est clairement boudé par les bourgeois puissants dont dépendant les subventions qui permettent de vivre et d'écrire quand on n'a pas de fortune personnelle.
Et pourtant Eekhoud ne plie pas l'échine : en 1904, il publie Voyous de velours, le plus explicite et le plus jubilant de ses romans. L'homosexuel de Bruxelles, dans ces années-là, doit obligatoirement être triste : tout sera fait pour qu'Eekhoud le devienne. La première guerre mondiale et les années qui la suivront seront pour lui un long calvaire. Eekhoud, qui n'a pas caché ses sympathies pour les premières revendications flamandes et qui est atterré par les horreurs commises pendant cette guerre par les "nôtres" et les autres, devient la cible des bourgeois francophones triomphants de 1918. Malgré un tardif retour en grâce, il meurt en 1927, aigri et triste." (Lucien Mirande, dans son introduction à Hugo Claus : Escal-Vigor, scénario d’après le roman éponyme de Georges Eekhoud).
"Pour saisir en leur vie profonde les protagonistes de [ses romans ou nouvelles], il faut bien se pénétrer de l'histoire des provinces belges et spécialement du passé de la Campine. Terre pauvre et tragique, [...] loque rêche et grise des landes stériles, le sablon morne et pâle où poussent des plantes en paquet de ficelle et des arbres en bois de cercueil. Les villages rares, les indigènes violents et naïfs, les mœurs lointaines et touchantes et par dessus tout un vent de fanatisme.
[...] C'est au fond de ce pays que se retranchent les résistances les plus âpres aux illusions modernes de faux progrès et à l'embrigadement universel vers l'idéal bourgeois. Là bas, se lèvent encore des rustres massifs, des types de volonté immesurable, des ardents incompressibles, des soucieux de haine profonde, des marcheurs hors de tout rang, des endurcis de liberté fauve, des farouches d'eux-mêmes et des autres, des taciturnes couvant la révolte, sortes d'anarchistes des campagnes, hors la loi depuis des années et qui rôdent [...]. Aucun de leurs vices n'est tu. Une vie fourmillante, criante de réalité, crue d'audace se manifeste ; elle empêche l'étude de s'empanacher d'exagération feuilletonesque ; elle se burine sur un fond d'eau-forte, violemment, encre et craie.
[...] Si Georges Eekhoud est parvenu à réaliser ces durables poèmes de violence et de sang, c'est qu'il a fait route vers eux entre sa pitié et sa tendresse. Il a aimé dans les gars d'abord la rusticité et l'intransigeance, la primitivité et la foi, le silence et le courage, l'âpreté et la colère. Puis leurs passions naïves et sincères, leurs misères tragiques, leur bonté souterraine, leur honneur spécial. Enfin la conquête s'est faite tout entière. Il les a trouvés aussi beaux, plus beaux, peut-être, criminels qu'innocents, exaltés que calmes, vaguant que sédentaires, traqués que paisibles. Et jamais il ne les a mieux honorés de sa force et de son prestige de poète. Peut-être aussi les évidentes fraternités qui lient les écrivains d'aujourd'hui aux irréguliers l'ont-elles soutenu au point que, vengeant ceux-ci des mépris, les dressant haut devant l'admiration et l'inquiétude, il a d'un même coup magnifié ceux-là." (Emile Verhaeren, in L'Art Moderne, 18 septembre 1892)
pour lire l'intégralité d'Escal-Vigor : http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre9645.html
une excellente étude sur Escal-Vigor : http://raforum.info/these/spip.php?article76
une autre excellente étude du spécialiste de Georges Eekhoud : http://semgai.free.fr/contenu/textes/mL_Eekhoud_regional.html
dimanche 27 avril 2008
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